Et oui je suis encore à Venise... J’ai peu écrit ces dernières semaines. Répétition d’un quotidien qui passe lentement. Doucement. Quelques moments plus tendus avec les enfants, la fatigue, mais au total très peu de disputes depuis celle des croquettes du chien. (https://www.enfermeeavenise.com/post/venise-le-10-mars-2020)
Nous nous sommes habitués au masque obligatoire, ou presque. Il y a trois mois, j’avais vu les premiers masques sur des touristes lors du carnaval (des masques chirurgicaux je veux dire, pas d’Arlequin ou Pantalon). Nous riions de leur parano. Il y a un mois et demi je voyais les masques se répandre comme des rhinocéros, inquiète face à la docilité de mes voisins. Et maintenant ils sont la normalité. La règle. Médicaux ou esthétiques. Assorti au sac ou aux vêtements. A la rentrée ils seront surement siglés des différentes marques.
Ces derniers jours on note un petit laisser-aller, certains tiennent le masque autour du cou. Sur le campo, des amies l’enlèvent pour fumer. D’autres pour boire un prosecco versé depuis une gourde dans un verre en plastic (non jetable). Le bar devrait rouvrir demain. On entend les parents crier à leur progéniture « rimetti la mascherina » (remets ton masque). Ma fille a tendance à l’enlever dès qu’elle parle – et elle parle beaucoup. Je veux faire des bulles de savon pour mon fils, j’ôte mon masque un instant. Pour souffler ! Sacrilège.
Certaines habitudes sont remises en question avec le masque. Comme sourire à des personnes que je croise, celles que je connais de vue, dont j'ignore le nom. Alors j’essaie d’avoir un regard souriant et hocher la tête. Mais avec le soleil les verres de mes lunettes foncent. Raté pour le regard. Comment reconnaître les gens aussi quand ils sont masqués et avec des lunettes de soleil ? Le mois prochain va-t-on réaliser que les cheveux sont porteurs du virus et allons-nous tous finir en burqa ? Hommes, femmes, enfants ?
Impressionante et efffrayante, la rapidité à laquelle nous nous habituons à cette nouvelle réalité. Masque dans la rue, masque et gants dans les transports publics et les commerces. L'autre jour un homme contrôle ma température à l'entrée d'une boutique. Capacité réduite dans les transports publics. A Milan on parle de rouvrir le centre ville aux voitures individuelles. A Bruxelles, de nouvelles pistes cyclables. Conversation vidéo avec mes neveux en France : non masqués en rue, ils posent leurs lèvres sur la canette à peine achetée. L'impression de voir un vieux film en VHS, couleurs passées, les parents fument à l'avant, fenêtres fermées, les enfants assis sur la banquette arrière, sans ceinture ni siège auto.
Vendredi matin, alerte. Incendie dans la zone industrielle voisine, fumée noire, potentiellement toxique. Nous devons rentrer chez nous, nous calfeutrer, fenêtres fermées. Odeur épouvantable. Une plaie succède à l’autre. Attend-on les sauterelles ou les aliens ?
Ce dimanche, ballade d'une famille d’éclopés. J’ai le poignet immobilisé (retour de tendinite), mon compagnon a un problème au pied, ma fille a saigné du nez (effet soleil+vélo+masque ?), mon fils a vomi. Le chien aussi. Relâchement général avant le déconfinement annoncé pour demain ?
Merci pour l’humour qui se rajoute à l’absurdité du moment. Bon déconfinement, avec prudence...