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  • Séverine

Venise, le 16 mars 2021

Aggiornamento: 10 dic 2021

Un an est passé et nous voici au même point. Zona rossa, lockdown, confinement. Ras le bol et sentiment d’incompréhension. Ecoles et jardins d’enfants fermés, enfants enfermés. Parents aussi. Solitude et isolement. Un an déjà et rien ne change. Enfin, oui, moi je change, je ne comprends plus, je ne veux plus attendre. Attendre quoi ? Un miracle ? Un nouveau variant qui repousse une fin de plus en plus illusoire ?


L’impression d’être bloqués dans un film sans fin, dans un épisode de Black Mirror particulièrement ennuyeux. Comme cette femme amnésique dans l’épisode La chasse (S02E02), elle court, poursuivie par des spectateurs agressifs armés de leur téléphone ; elle purge une peine de prison pour meurtre mais ne le sait pas. Chaque jour elle revit la même journée, le même effroi.


Mais je me souviens, moi. Du premier confinement voici un an, de la pénurie de masques déclarés d’abord inutiles puis indispensables. Des annonces guerrières des gouvernants, des incohérences risibles (au resto menu à usage unique, petits sachets d’huile individuels mais ravier de parmesan et sa cuiller qui passe de table en table) ou tragiques (ne sors pas seul dans la rue mais prends le métro bondé pour bosser à l’usine). Je me souviens de la peur. De la boule au ventre quand je voyais un gendarme en promenant mon chien. Des promenades en cachette avec mes enfants. Ma fille ne se souvient pas d’être allée à l’école sans masque. Elle est rentrée à l’école primaire en septembre, masquée du matin au soir. Pas d’activités de groupes ni de sorties, déjeuner chacun seul sur une table, interdiction d’échanger sa collation ou de prêter sa gomme. Et ce matin, leçon online. Elle s’applique, lève la main et allume son micro quand la maîtresse lui donne la parole. Docile. Je hais ce mot.


Je me souviens trop bien d’avoir accepté ces mesures sanitaires face à une maladie inconnue. Et je m’en veux de plus en plus. La docilité a laissé la place à l’incompréhension, pas encore à la révolte. Presque. Parfois à l’envie, quand je vois les photos de mes amis sur la plage de Tel Aviv ou danser sur les tables à Yafo. Miracle ? Vaccination massive réussie. Et discrimination parfaitement acceptée contre les non-vaccinés, aéroport fermé. Désir et doutes, comme toujours.


Un an après, le vaccin existe, la maladie est moins létale (lors de la peste du 16e siècle Venise perdit 25 pour cent de ses habitants en deux ans, la mortalité en Vénétie due au coronavirus est après un an de 2 pour mille). Les décisions politiques sont de plus en plus arbitraires. Je n’arrive pas à adhérer aux théories complotistes, non les big pharma ou blackrock ne peuvent réguler le monde à leur aise et puis ces théories finissent toujours par flairer l’antisémitisme. J’ai plutôt l’impression que nous avons tous paniqué, nos dirigeants les premiers. Ils ont lancé des mesures drastiques dans l’espoir d’éradiquer le virus et ils se sont enfoncés dans une spirale de mesures liberticides dont ils ne peuvent plus sortir pour ne pas avouer qu’ils se sont plantés.


Comme dans tout moment de crise, certains font des profits. Je me suis abonnée à Amazon et à Disney+, fait 5 tests PCR, utilisé et jeté une quantité infinie de masques. Je n’ai pas réussi à faire un pain convenable, ni du yoga online, ni à perdre quelques kilos. Je n’ai pas été au musée avant qu’ils ne referment (ils avaient rouvert mi-février) et je continue à fumer, prétexte pour enlever mon masque dans la rue ou sortir seule sur la terrasse (même si mes enfants me rejoignent à chaque fois). Je sors en jogging et ne porte plus de soutien-gorge. J’ai encore oublié de laver mon masque en pied-de-poule, je n’ai pas trouvé de solution pour que les verres de mes lunettes ne se couvrent pas de buée. Je voudrais revoir le visage des gens que je croise, leurs sourires, le rouge-à-lèvres d’une voisine. Je veux sortir, voyager, rencontrer.


Belle journée printanière, mon fils cueille des pâquerettes à la plaine de jeux (dernier lieu de rencontres encore permis). Le soleil me réchauffe mais je commence à bouillir. Un énième expert déclare que le virus se propage principalement dans trois lieux : à l’école, à la maison, au travail. Bref, les derniers lieux où l’on peut vivre. Donc on ferme les écoles (pourtant les profs de mes enfants sont vaccinés) et les bureaux. Et les maisons ? Chacun seul dans une capsule hygiénique ? Le médecin recommande à Gill de ne pas s’approcher de ses enfants en attendant son test. Un enfant sain sans câlin ? Folie. Ma fille suit sa leçon de piano online, appliquée comme toujours. Folie. André servait dans un bar le soir, puis dans un autre le midi quand les bars ont fermé le soir, puis plus du tout. Evénements interdits, Jo doit congédier ses employés, folie. Elinor débutait comme chanteuse lyrique, dix spectacles annulés. Ori guide touristique sédentaire forcé. Folie. Quelle vie voulons-nous vivre ? Une vie limitée à rester en vie, à bouffer, bien au chaud ? A s’emmerder ferme en évitant de s’entretuer ?


Et si l’on pouvait laisser le choix à l’individu ? L’un choisit de rester chez soi car il craint pour sa santé, l’autre va au concert. L’une évite ascenseur et métro, l’autre recherche la cohue. Car la maladie existe oui, et elle continuera d’exister. Comme tant d’autres. Que les politiques s’occupent de multiplier les lits d’hôpitaux et les transports publics. Et qu’ils nous laissent vivre.




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