Stupeur, craintes, colère.
Mira, notre voisine activiste qui a lancé un service de livraison de courses par téléphone dès le début du confinement, est en colère. Contre le gouvernement italien qui vante la solidarité mais n’organise rien du tout. Des associations officielles contactent Mira pour venir en aide aux plus démunis. Elle voit des personnes âgées se nourrir de pain rassis de peur de sortir. Elle est inquiète pour eux, pour le monde. Une violence latente se fait sentir. Certains regards sont plus pesants. Un voisin hurle de sa fenêtre contre une mère et sa fille qui fait un tour en vélo devant chez eux. Les insultes fusent rapidement. En période de tensions, on distingue vite les collabos. Ils sont nombreux.
Plus je lis d’articles sur la situation en Corée du Sud ou à Taiwan, plus je doute. Notre confinement est-il un pis-aller au manque de moyens – manque de masques, manque de tests de dépistage, manque de laboratoires équipés, manque de personnel soignant, manque de lits dans les hôpitaux – ou bien le choix délibéré d’une politique autoritaire ? Les gouvernements occidentaux ont pris, les uns après les autres, des mesures extrêmement contraignantes pour leurs populations. Des mesures décidées par l’exécutif, sans le moindre recours au parlement. Fermeture des écoles. Des transports en commun. Des bureaux, des boutiques. Des musées, des loisirs. Interdiction de mouvement. Contrôle, contrôle, contrôle. A Bruxelles, le ramassage des poubelles est déjà réduit de moitié. Et si tout cela était le prélude à une société sans services publics ? L’école à la maison, online, sans professeurs. Le travail online, quand l’ordinateur ne peut pas le faire tout seul. Plus de transports publics ; chacun chez soi. Plus de mixité sociale. Ce serait la prise de pouvoir de l’Intelligence Artificielle.
Bien sûr ces mesures servent à sauver des vies. Mais quid des victimes indirectes du confinement ? Les violences familiales, les enfants handicapés laissés sans aucun suivi thérapeutique, les malades dont on reporte les traitements, la paupérisation. Je me rassure en me disant que la paupérisation de la population ne peut pas être délibérément voulue car elle nuit à la société de consommation. Nos oligarchies autoritaires désireront s’enrichir malgré tout. Triste constat.
Léger optimisme. Nous tous les enfermés, nous faisons des choses inhabituelles. Nous pétrissons notre pain, cuisons nos biscuits. Certains fabriquent leurs produits d’entretien ou préparent des confitures. Nous ne gaspillons pas. Nous n’achetons rien d’inutile. Nous sortons de notre rôle de consommateurs. TF1 réduit ses programmes par manque de rentrées publicitaires. Pourrions-nous devenir moins cons ?
Après le virus, assistera-ton à un sursaut démocratique, à une reconquête des libertés, à une Europe plus unie ? Ou bien au contraire à la mise en place de régimes autoritaires et populistes, fondés sur l’ordre et la sécurité, applaudis par la foule apeurée ? Maigre lueur d’espoir face à la crainte d’un despotisme généralisé, la faiblesse des institutions internationales empêche la naissance de l’Empire galactique. Je m'en veux d'avoir moi-même accepté et encouragé le confinement. Comme le dit la princesse Amidala « Ainsi s’éteint la liberté, sous une pluie d’applaudissements. »
Merci Martine pour votre optimisme. A propos des senteurs du pain, voici un extrait du roman que je viens d'écrire. "Chloé veillait sur sa mère avec douceur, Alex ne comprenait pas comment sa fille réussissait à être si efficace. Lors de sa visite, Chloé commençait par faire le pain – Alex croyait que sa fille espérait encore le lui apprendre. Vainement. Alex se sentait trop vieille pour apprendre quoi que ce soit, elle était inadaptée, c’était sa dernière identité forte. Pendant que la pâte reposait, Chloé préparait une casserole de soupe et une autre de céréales, puis elle pétrissait le pain et le mettait au four. En vérité, Chloé commençait ainsi ses visites chez chaque personne qu’elle soignait, elle croyait aux…
Madame Séverine,
Je comprends votre amertume et vos doutes par rapport aux mesures de confinement, à la présence policière, aux couvre-feu en vigueur dans certaines villes, à toutes ces décisions prises par des gouvernements avec des pouvoirs spéciaux... Mais les chiffres sont affolants : 1000 morts de plus en Italie en 24 heures. Toutes ces mesures coûtent tellement d'argent et vont inévitablement peser sur l'économie. Ce côté économique de la question me conforte dans l'idée que ce virus est extrêmement virulent. On ne prendrait aucune décision aussi onéreuse si le danger n'était pas à la mesure.
Nos libertés en prennent un coup. C'est sûr.Mais je veux croire en notre capacité à tous, et plus particulièrement à celle de l'Europe qui…