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  • Séverine

Venise, le 19 mars 2020

Aggiornamento: 21 mar 2020

Ciel bleu, soleil, nous lisons sur la terrasse. Le petit dort. Anna déchiffre ses premiers livres. Des amis voguent sur la lagune parfaitement lisse. Nous pourrions nous croire en vacances.



Demain cela fera quatre semaines sans école. Mon amie vénitienne passe la plupart de ses journées à faire la classe à ses enfants. Ce matin, elle enseignait la photosynthèse. Ici les enfants ne sont pas retournés à l’école depuis les vacances de carnaval. Les cahiers et les livres sont souvent restés dans les classes, fermées à double tour. Les élèves ne peuvent généralement pas communiquer directement avec leurs professeurs, tout se passe par le biais des parents. Des mères dans la grande majorité. A Paris ma cousine n’avance pas sur ses projets, elle « travaille sur la pénicilline niveau sixième et les soustractions niveau CE2. » Le homeschooling ou l’aliénation de la mère. Comme si les mères ne devaient pas déjà gérer la bouffe, le linge, les émotions familiales. Et bosser, sur un coin de table entre un bol sale et un puzzle. Le homeschooling avait même pourri le tour du monde en voilier d’une amie d’enfance. L’école est-elle toujours nécessaire ? L’éducation, l’apprentissage, l'alphabétisation, bien sûr. Mais l’école et son programme rigide ? En Italie on parle de fermeture des écoles jusque mai, peut-être septembre. Laissons tomber le programme.


Au fur et à mesure que ma fille grandit, j’ai peur de l’école. Pas qu’Anna ne soit pas au niveau, au contraire. J’ai peur de l’uniformisation, de la pensée unique. De ces enfants sagement assis. Qui apprennent à devenir de bons employés assis. A la fermer. Je rêve d’un enseignement drôle et sensible. Décloisonné, dynamique. Dehors, debout. Que les enfants apprennent à lire, écrire, compter et à choisir les sujets qui les intéressent, dans et hors les murs de l'école. Je réalise que les écoles que j’ai fréquentées enfant ne sont guère la norme ; surtout en Italie. Aujourd'hui à Bruxelles, les professeurs ne peuvent pas donner online de nouvelle matière. Pour ne pas créer d'inégalités et ne pas surcharger les parents. A Bergame, des camions militaires emmènent les trop nombreux cercueils. L'école parait futile en ce moment. Le travail aussi.


Tirer mes enfants du sommeil ne me manque pas. Houspiller ma fille pour qu’elle se brosse les dents, s’habille, prenne son petit dej, sangler le petit dans la poussette ; le regard rivé sur l’horloge. Commencer la journée lentement nous fait du bien. Dans notre confinement nous avons de la chance. Beaucoup de chance. Privilégiés. Les ouvriers se rendent à l’usine. Les éboueurs ramassent les poubelles. Les chauffeurs, les livreurs. Le personnel des maisons de retraite et des foyers pour enfants. Les caissier·e·s du supermarché portent enfin masques et gants. Qui garde leurs enfants ? Ont-ils le temps et les moyens de leur donner les leçons ? Que se passera-t-il quand tous les travailleurs subalternes seront confinés ? Les rayons de farine sont presque vides. De bières et thon en boite aussi. Ni oeufs ni café Illy. Ce matin, l’étal du potager de la prison pour femmes était fermé. Un dessin disait « Ne nous oubliez pas. »




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